Se lever (Les Grandes Semailles)
Elle s’est glissée jusque dans nos veines, cette crise et y circule à elle seule déjà comme un virus. A tel point que certains matins, dès mon réveil, mes premières pensées émergentes vont vers tous ces discours, ces mensonges, ces non-dits et déjà avant même de me lever, j’ai un début de colère. Je me lève et parfois je me recouche, désabusé, un peu comme un passager abandonné dans la salle des pas perdus d’une gare. Aucun train. Aucune lumière. Obscurité.
Mais ce matin du 9 janvier, je me suis levé enhardi. Souriant même. Plein d’énergie. J’ai décidé de me lever. Me lever pour affronter avec ma joie de vivre tous leurs boniments. Affronter ces médias empoisonnés injectant leur fiel sournois dans nos esprits bousculés. J’ai décidé de me lever pour honorer le Vivant ! être le spectateur d’un nouveau jour, un acteur, avec les oiseaux se chamaillant dans les arbres. Avec le ruisseau chantant au fond de la vallée, le héron immobile aux aguets. Avec tous ces fourmillements d’instants de vie offerts par une Nature malmenée mais toujours généreuse. C’est sa Loi. Son Uniquement. J’ai décidé d’être vivant et non plus ce mélange de cyborg et de zombie obéissant aux dominants fourbes et malveillants. J’ai à mes côtés tant d’ami(e)s qui comme moi ont compris la Vie et arpentent, certains depuis longtemps, d’autres depuis peu, le nouveau chemin parsemé de certitude. Et nous ne sommes pas près de changer de direction. Nous savons bien sûr qu’il y aura quelquefois de ces carrefours piégeux nous attirant vers d’autres directions, nous attirant comme les sirènes d’Ulysse mais nous les déjouerons toujours ces leurres car la certitude est notre guide. Certitude que ce ne sont pas les grands argentiers qui seront vainqueurs, ni les gouvernements enlisés dans leur mélasse de pouvoir absolu, mais seront vainqueurs le petit enfant dans les bras du migrant fuyant les dictatueurs ainsi que ses parents. Seront vainqueurs celles et ceux ayant compris la magie du verbe aimer, sa monumentalité. Seront vainqueurs ces Ouighours retrouvant leur fierté. Ce continent africain torturé, étripé, ravagé par cette pieuvre aux tentacules avides de richesses. Nous serons les vainqueurs mais nous ne brandirons pas de trophée. Ou plutôt si, peut-être celui-là : cet enfant à qui nous enseignerons les premières leçons de vie avec le verbe aimer. Et il n’y aura qu’un seul regard en arrière, pour mesurer le chemin accompli. Puis marcher vers l’horizon, avec toi, avec lui, avec vous, qui que nous soyons, qui que vous soyez, du moment que nos mains se rejoignent pour faire oublier les poings levés.
Je vais faire du 10 avril prochain un jour de fête : la fête de la Terre. Et j’irai voter. Voter pour elle. Je prendrai avec moi un sachet de graines et si des amis veulent se joindre à moi, nous irons là-bas, en pleine campagne, semer pour remercier la Terre. De nous porter. Et non plus de nous supporter. J’appellerai ce jour les Grandes Semailles. Ce sera une leçon, un enseignement donné aux politiques, une leçon qu’il devraient ajouter dans leurs programmes des grandes écoles, de l’ENA, et autres institutions fabriquant des meneurs aveugles, des vautours, des hyènes qui jusque-là se complaisaient en dirigeant de leurs bureaux obscurs leurs manigances pour régner. J’irai marcher sur la terre humide d’un nouveau printemps avec dans ma main un sachet de nourriture pour le Vivant. J’irai semer. J’irai donner. J’irai offrir dans l’écrin de ma générosité ce qui donnera dans mon âme des fleurs de lumière et des nouveaux champs. Leurs sillons ne boiront plus le sang.
Michel Labeaume