Un papy en tête
Croire en Soi, c’est ouvrir une fenêtre et contempler Dieu. Croire en Dieu, c’est franchir un seuil pour entrer en Soi. Toute route menant à une guerre est large, bien droite et parfaitement entretenue. Tout chemin menant à la Paix est étroit, tortueux, caillouteux, et franchit par des ponts usés jusqu’à la corde des précipices vertigineux, pénètre dans des jungles épaisses et obscures et jonchées de pièges posés par les gens de guerre. Mais cette Paix dont tu parles ne peut-elle s’interposer ? Ce n’est pas son rôle. Quand bien même agirait-elle ainsi, qu’elle entrerait en guerre et c’est le Mal qui serait vainqueur. La Paix dont je parle est pure et immuable. Elle l’a toujours été et le sera toujours. Rien à voir avec ces misérables trêves qui ne sont que des poings menaçants s’arrêter dans leur élan mais gardant les muscles tendus. Le verbe aimer n’a jamais été un clou enfoncé dans le crâne des innocents. C’est pourtant ce qu’ils ont fait. Il est nombre d’ambassadeurs qui seront descendus de leurs savoirs Ceux-ci n’ayant été que cascades de cailloux déversés sur la tête des innocents. Entre le Vocifer et le Murmurant, lequel est coupable ? Celui exigeant, ordonnant, jugeant, condamnant aux fers, au bûcher ou celui faisant éclore aux aurores le chant du Vivant ? Mais pourquoi donc a-t-il fallu qu’ils se perdent dans cette autorité, ce rigorisme, cette froideur, cette brutalité ? Adorez votre Dieu sinon vous connaîtrez l’enfer ! Beuglaient ces démons habillés en missionnaires. La Source du Vivant n’est pas primaire, ni même primate. A force de cris, de sang versé, la Source est devenue mirage. A force d’entêtement dans ces aveuglements et ces refus, l’ignorance est devenue la Bible des puissants, l’imposant avec leurs bourreaux, leur inquisition, leurs bûchers, leurs échafauds, leurs harcèlements constants. Jamais la Source ne se fera cascade, ou torrent, ou tsunami géant ! Noie-les tous, Tsunami géant ! Dieu reconnaîtra les siens ! Mais ne sommes-nous pas tous les Siens ! La Source est immuable et pure. Chacun a parfaitement le droit de s’en éloigner. C’est son choix. Il est libre. Mais un minimum d’humilité lui sera demandé, en laissant passer cette foule d’innocents se diriger en chantant, en riant vers la plus haute montagne qu’il ne leur a jamais été demandé de contempler, vers ce haut sommet noyé dans la brume, hommes, femmes, enfants, mêmes vieillards portés sur le dos d’un parent, riant de toutes leurs dents ou du moins les deux ou trois qu’il leur reste. Même des petites vieilles affalées dans des charrettes tirées par des mulets iront de leur rire cassé, chevrotant, heureuses comme des enfants ! La montée sera longue, fatigante, parfois douloureuse mais vous me croirez si je vous dis que toute cette Humanité a atteint le sommet. Au bout de combien de jours ? De mois ? D’années ? On s’en fiche du temps quand toutes et tous ont atteint le sommet d’où, immobiles, estomaqués, sidérés par ce qu’il y a en bas, dans cette immense vallée, étincelant, flamboyant, resplendissant, à la limite de l’impossible, la Source du Vivant. Est-ce de l’eau qui coule ou de la lumière ? Le corps a besoin d’eau, l’âme a besoin de lumière. Descends-moi dit soudain le papy à son fils le portant sur son dos. Il se dirige, devant la foule, se frayant un chemin, bousculant même. On s’écarte en souriant. Quand il arrive devant, il voit le sentier éclairé par l’aurore. Il crie alors : En avant ! Et ce petit vieux sera en tête jusqu’à l’arrivée, jamais auparavant il n’avait marché d’un pas aussi énergique. La cerise sur le gâteau, quand tous sont arrivés à la Source du Vivant, notre papy est allé directement vers la charrette où dormait, épuisée, une mamy. Il l’a secouée ! l l’a réveillée ! Il l’a sortie de sa charrette. Mais ! Mais qu’est-ce que tu fais, bougonne-t-elle, décontenancée. Je veux t’épouser ! Ce furent les premiers applaudissements d’un nouvelle Humanité. Encore une dernière chose : Ce ne fut pas un dernier voyage, cette rude montée, mais bien un nouveau départ, direction les éternités.
Michel Labeaume