Afin que
Les mères au visage rayonnant de joie avec l’enfant nouveau-né dans leurs bras ne soient plus l’image trompeuse débutant un long cauchemar.
Afin que le semeur à l’heure où la brume et l’aurore embrassent la Terre ne soit plus la page jaunie d’un vieux livre d’histoire.
Afin que les coins de rue la nuit ne soient plus que des rencontres de lucioles préparant la lumière des songes heureux.
Afin que le chant des baleines ne soit plus interrompu par ces harpons qui tuent.
Afin que les ultra-riches comprennent enfin que la vraie richesse n’est pas dans le poids de la démesure mais dans la joie devant la flamboyance de l’éternité.
Afin que les races fassent de leurs richesses de vie une symbiose pour la sublimer
Afin que les noyades des migrants soient écrites dans l’Histoire des minutes de silence.
Afin que les grandes écoles découvrent enfin l’enseignement manquant.
Afin que le Temps qui file soit compris comme n’étant qu’un train de voyageurs volontaires qui, au terme, rentrent à la maison.
Afin qu’ils admettent que les non-dits des puissants s’impriment en eux, encore plus sûrement qu’une marque au fer rouge.
Afin que les arbres soient regardés enfin comme des êtres vivants.
Afin que les « Pourquoi ? » devant les morts au combat comprennent le silence qui suit.
Afin que les médecins relèvent la tête, du moins ceux qui obéissent au pouvoir de l’argent.
Afin que les vautours soient seulement des oiseaux.
Afin que les danses et rires de la jeunesse ne soient plus de ces semences pulvérisées de pesticides.
Afin que nos monuments aux morts préparent leur entrée dans leur préhistoire.
Afin que chaque commune, chaque village, chaque hameau, ait son arbre de Vie.
Afin qu’ils arrêtent de vouloir à tout prix s’extraire, s’extirper de la masse anonyme.
Afin qu’ils cessent de confondre l’existence avec la Vie.
Afin qu’ils cessent de courir après tout et n’importe quoi et qu’ils réapprennent à marcher.
Afin que les cancres continuent à admirer par la fenêtre les leçons de Dame Nature tant qu’elle ne figure pas parmi les enseignants.
Afin que les personnes âgées voient la jeunesse sous de meilleurs auspices.
Afin que liquide amniotique remplace l’encre noire des journaux.
Afin que les voyageurs rapportent de tous les pays, toutes les contrées des milliers de sourires.
Afin que les seringues contiennent de la sève guérisseuse et non de l’argent liquide.
Afin qu’il surgisse, ici et là, de toutes petites averses de Connaissance sur les jardins en friche de l’ignorance. Y pousseront quelques fleurs de lumière au parfum subtil de jours nouveaux. S’il y aura du miel, il aura une tout autre saveur. En y goûtant, cela poussera à s’évader du marasme. Ceux restés auront beau ironiser, se moquer, utopiser cet envol, leurs moqueries ne dépasseront pas la puanteur montant de cette apathie qui, à force de poids et de violences semble inéluctablement pérenne. Or, il suffit juste d’un tout petit peu de volonté. Rien d’autre.
M.L.