Hésiode

Un brouillon d’Hésiode.

 

 

Face aux murmures de l’immensité, j’ai chuchoté « peut-être » et la marée s’est retirée. Un autre jour sur la plage j’ai dit « sûrement » et les lèvres d’écume m’ont embrassé. Face à flamme de la bougie, j’ai dit « peut-être » et sa faiblesse l’a éteinte. Un autre soir, face à la même flamme j’ai dit « sûrement » et sa lumière m’a embrasé. Les premiers pas peuvent parfois connaître le doute aussi à cet instant précis apparaissent mille autres voies.  Où est mon chemin ? Dans la certitude. Ici-bas sont-ils nombreux à ne croire qu’à la raison de leurs déraisons sans en chercher la cause. Aussi sont-ils lourds et pesants et ne peuvent être approchés sans sa propre conviction qui alors rayonne et intrigue ou fait fuir. Ils veulent conquérir l’Espace. Jusque-là, ils n’ont accompli que quelques pas comme aller à la boîte aux lettres chercher le courrier. S’ils veulent vraiment aller plus loin, ils doivent scruter avec les yeux de l’âme leur propre univers intérieur, comme un aventurier, surtout pas un missionnaire. Ceux qui osent et ceux qui oseront découvriront en eux une multitude de résurgences de lumières et de ce fait seront prêts à comprendre. A saisir l’Oh-Porte-Unité, véritable sas pour entrer dans un subréel tapi dans l’ombre de leur être comme un écheveau qu’ils vont devoir démêler. Ainsi l’être transcendé. Dès lors, il ne s’agira plus de prier en baissant la tête, de murmurer au Ciel en regardant ses chaussures mais de se nourrir de l’ordinaire devenu miraculeux car le regard aura tout changé.  L’être lourd se croit fort quand il écrase la fleur. Mais qu’écrase-t ’il en réalité ? Sa propre légèreté…Sa propre beauté. Au parfum enivrant de gaieté qui lui était offert s’y substitue ce relent d’enfers qu’il s’est donné. Perdu alors dans ces ténèbres, il en fait La Réalité. Et de descentes en descentes, l’Ombre de l’ombre se fait Vocifer. Vêtue d’apparat, elle vomit ses convictions sans se rendre compte qu’autant ses cris sont là pour convaincre que pour s’assourdir du murmure de sa conscience. Et les esprits nourris de ce sédatif puissant, n’ont d’autre alternative qu’applaudir. Jusqu’au changement, accueilli comme un renouveau mais n’étant que l’ancien paré d’un costume neuf. Dans les coulisses de ce théâtre du mensonge où les ombres sournoises silhouettent leur festin, un clown et un enfant ont tout écouté, tout entendu. L’artiste au nez rouge susurre au gamin : Et mon anus c’est du gallinacé !! Le fou rire monte chez l’enfant aussitôt bloqué par une main salvatrice et un chut à peine murmuré. Tous deux quittent discrètement ce piteux spectacle en longeant les murs à peine éclairés par des réverbères à la lumière jaune sale. Les rues sont vides. Le Monde est confiné. Nos deux héros marcheront des jours pour arriver enfin, au crépuscule, au bord de l’océan. Très peu d’oiseaux. Quelques mouettes. Pas plus. Tous deux s’assoient sur le sable en contemplant le disque rougeoyant s’enfouir au-delà du ponant, laissant sur l’eau à peine houleuse des brindilles d’arc-en-ciel. C’est l’heure. D’écouter le Silence. Ils resteront ainsi la nuit entière à s’entretenir avec l’Univers et ses mystères à peine voilés, simplement vêtus de certitude. L’Aube découvrira l’enfant endormi, la tête sur les genoux du clown qui, voyant et buvant cette aurore miraculeuse, versera une petite larme à peine joyeuse tant l’émotion est forte de découvrir ainsi quelques miettes d’un Monde à venir qui va ensevelir l’Ancien. Peu après, l’enfant se réveille et se sentant merveilleusement bien, dit à son compagnon : On y va ?

Ils ne sont plus hier. Ils sont deux mains. Unies. D’autres océans à contempler, à parcourir, surtout pas à conquérir. On ne fait pas la guerre à ce qui est offert. C’est aussi cela : l’Avenir.

 

M.L. 28.03.20

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