Papillon blanc
Papillon blanc
Le temps est à la pluie. Blanc-gris est le ciel et le vent d’en haut pousse des semblants de nuages vers d’autres horizons. Il fait quand même près de 27 degrés. Chaud. Une météo presque tropicale. Dans un jardin, quelques arums tentent en tremblant leurs corolles de récupérer l’eau du ciel. Un papillon blanc tourne autour des fleurs. Il danse mais c’est comme s’il semblait intéressé par quelque chose. Il se pose à côté des fleurs mais pas dessus. Il les évite. Il se pose et s’envole aussitôt. Et à nouveau danse. Et à nouveau se pose. Brusquement, il décide de se poser sur la corolle du plus gros des arums. Et, à l’intérieur de celle-ci, quelque-chose. Le papillon savait-il ? Est-ce pour cela qu’il tournoie autour depuis quelques minutes ? Ce qu’il y a à l’intérieur de la corolle, c’est comme une libellule bleue. Pas plus gros. Mais en y regardant de plus près, il ne s’agit pas d’une aeshne mais d’une sorte de petit être…Oui, c’est un petit être, pas plus gros que la libellule mais bien différent. La créature a les yeux fermés. Sa chevelure est en feuilles d’arbres. Elle porte une robe transparente mais avec des étincelles de bleu qui jouent avec sa beauté. Elle semble dormir. Le papillon au bord de la corolle semble l’observer. Il s’envole et va butiner un peu plus loin un buddleia et revient vers l’arum. Là, il descend carrément dans la corolle et déroule sa trompe jusqu’à la bouche de la dryade. Oui car il s’agit bien d’une dryade, cette nymphe des bois. C’est une créature très timide et qui se montre rarement sauf à la déesse Artémis, protectrice des nymphes. La créature ouvre les yeux. Elle semble fatiguée tant elle a du mal à regarder ce qui se passe et essayer de savoir où elle est. En ouvrant ses yeux, on devine leur beauté. Grands pour une si petite créature et d’un bleu divin. De plus, la sclérotique n’est pas blanche. Ou plutôt si mais un blanc qui joue avec les couleurs de l’arc-en-ciel. Un œil vivant ! Le papillon est patient. Il a déroulé sa trompe et l’a dirigée sur la bouche de la dryade. Elle ouvre et ferme ses yeux et cela lui semble un gros effort. Enfin, elle arrive à garder les yeux ouverts et voit le papillon. Elle essaie de sourire et tente d’ouvrir la bouche qu’elle a d’un bleu azur. Le papillon appuie alors un peu plus sa trompe pour lui faire comprendre qu’il a quelque chose pour elle. Elle sourit enfin et ouvre la bouche. Le nectar coule et elle s’en nourrit. Le papillon fera ainsi durant près de 3 heures des allées et retours du buddleia à l’arum. La dryade semble recouvrer des forces. Elle ne s’est pas encore levée mais elle va déjà beaucoup mieux. Et a pris entièrement confiance envers le papillon. Ce ne sera que vers la 4ème heure qu’elle tentera de se lever. Le fond de la corolle n’est pas large même pour un si petit être. Avec du mal elle tente de tenir debout. Le papillon lui, à présent, se tient immobile au bord de la fleur. Il attend. La nymphe se secoue, secoue ses ailes transparentes et frotte son corps. Puis, soudain, d’un petit bond rapide, elle se trouve à côté du papillon et l’embrasse. Il est si surpris par le geste qu’il fait un bond en arrière et se repose. Un engourdissement l’envahit. Il tombe d’un seul coup au fond de la corolle. Il lui faudra toute la nuit pour se transformer en dryade, et nul ne sait combien de temps il lui faudra « trouver » un autre papillon qui la nourrira, et qu’elle embrassera à son tour et ainsi de suite. L’effet papillon…Des mois, ou même peut-être des années après, dans une petite ville du Nord Ouest de la Tunisie, à Ghardimaou, un jeune garçon sort de sa maison et ressent un malaise. Il ne sait pas pourquoi. Il lève la tête et comprend. Un nuage de plus de
Témoins de l’Aube, pourront dire tous les gens, les peuples, après ce Geste qui sera reçu comme divin et d’elles-mêmes les religions tomberont dans l’oubli. Plus de pouvoir temporel. Des cœurs ouverts. Des âmes grandies. Rien d’autre.
Toutes les forêts de chênes de la planète, quelque temps plus tard, seront les lieux de refuge des nymphes aux baisers après leur mission. Et, dans le désert de Gobi, à Shambala, le pays mythique, elles ont chacune d’entre elles l’arbre des Hespérides qui les attend. Le cœur. Le creuset de vie.
Michel Labeaume
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