Chemin vert

Sur le Chemin Vert

 

 

                Oui. C’est vrai. Cette pluie qui dure depuis trop longtemps nous semble être un importun visiteur venu squatter. L’autre matin, pris d’une envie folle de nature et de silence, je suis sorti. Sous la pluie. Légère mais quand même. Je demande aux médecins de ne pas m’ausculter, de ne pas vouloir me soigner de mon addiction à grands renforts de galimatias verbaux. Vous n’avez pas encore déposé la vôtre, enrobée de suffisance. Ce qui me lie à la Vie et à fortiori la Nature c’est la joie. Rien d’autre. L’Amour de la Joie ou la Joie de l’Amour. Saisissez ce sceptre dans n’importe quel sens. Il est le Lieu. Il est l’Endroit. Sous les houpiers courbés des arbres, formant une haie d’honneur au marcheur tranquille, la fin de l’averse donne des gouttes éparpillées çà et là, tombant des feuillages alourdis. Aussi, est-il délectable d’admirer ces branches d’automne, nues, avec à leur extrémité une toute petite perle d’eau. Es-tu bien sûr, lecteur, de penser que ceci n’est pas grand-chose ? Je demande aux politiques de ne pas m’empêcher d’admirer, de ne pas nous empêcher de semer le Verbe en lieu et place de leurs extravagances, leurs vésanies de pouvoir. La branche du hêtre tremble faisant tomber un peu de pluie, le rouge-gorge me surveille, ses plumes gonflées lui donnant un merveilleux air de peluche, de jouet vivant. Il me laisse passer puis s’envole avec un trille court et rapide. Le ruisseau gonflé se précipite au milieu des fourrés, charriant une eau sombre chargée de débris. Je demande à ces commerces et cette croissance de nous laisser un peu de place, de verdure, quelques arbres, une rivière et surtout une table avec des bancs sur lesquels ils pourront venir s’asseoir quand ils auront compris la lourdeur de leurs folies. Nous leur offrirons un peu d’eau et beaucoup de sourires, un peu de chaleur et beaucoup de rires. Le soleil semble tenter une percée à travers les nuées grises chargées de pluie. La lumière change un instant. Puis s’efface. Un chevreuil est en lisière, trop loin pour que fasse la photo. Je croise un couple, lui et elle tenant leur parapluie noir qui donnent un contraste sympathique. Je clique. Je demande aux pourfendeurs d’utopies de cesser leur suicide. L’utopie n’est pas dans la réverbération d’un arc-en-ciel dans une flaque d’eau mais dans l’éclair des détonations sitôt après le lâcher des bombes à fabriquer des héros. La réalité est celle que vous fabriquez chaque jour. Nul d’entre vous ne la tient ou la vit plus qu’un autre. Mais il est, au sein des Univers, des cycles appelant au changement. C’est là, uniquement là, que les arbres et les oiseaux, les couverts et les ruisseaux vous les lirez à grand renfort d’exaltations, vous sentant Serviteur d’un Mystère qui pourra, dès lors, vous tendre la clé.

 

M.L.

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