Raout.
Au grand bal des Pouvoirs,
Le décor est somptueux
Sur les murs éclairés
Par des bougeoirs
Des scalps de migrants,
Des plateaux en argent
Portés par des chômeurs en fin de droit
A la démarche un peu gauche
Présentent aux figures de la débauche
Du cristal pétillant.
Les rombières
Au visage tartiné à la truelle
Glissent des regards un peu cruels
A celle qui fait le beau jeu
Tortillant du croupion
Face au maître de maison
Qui écoute d’une oreille
Ses fadaises un peu niaises
Et les propos d’à côté.
Le traiteur a travaillé dur
Nuits et jours
Pour préparer toasts et canapés
Au saumon, au caviar, au pâté
De chevreuil abattu
Dans le bois de Montcul.
Pour ce travail fantastique,
Il a reçu des mains manucurées
De l’hôte de cette soirée
La médaille du bénévolat.
Dans le salon d’à côté
Vautrés à l’aise, des financiers
Sur de gros canapés
Admirent ici et là
Des cadres en bois précieux
Arborant des contrats en or
Pour du pétrole,
Ou de l’armement,
Ou du cuivre ou des diamants
Tant pis pour les victimes
Qui dans les mines triment
Il faut bien quelque sacrifice
Pour auréoler les bénéfices
Le temps c’est de l’argent.
Quand le Maître des lieux
Frappe dans ses mains
Pour imposer le silence,
D’un seul coup tout ce joli monde
Planté au garde-à-vous,
Les uns retenant un petit rot
Ou un pet vicieux
En serrant les fesses
Pour éviter l’agresse
D’une éruption de feu.
La langue du discours
Sera en bois précieux
Apprise dans les couloirs
Des écoles des Dieux.
Le tonnerre d’applaudissements
Sera aussi faux que puissant,
Mais ce qui compte c’est l’essentiel
Ne pas entendre le fiel
Qui se murmure entre manants.
Beaucoup plus tard, au petit matin
La femme de ménage
Enrage
En voyant l’horreur
Etalée provocante
Et les miasmes mêlés
De parfum cher
Et de pâtés
Dans cette demeure somptueuse
La présence odieuse
Du mépris.
Mais ce Monde immonde
Ignore qu’il se finit.
M.L. 12.12.22.