Derrière les rideaux

Derrière les rideaux

 

Ne m’oublie pas. Je ne suis pas dans ton esprit préoccupé par ton retard, ton travail, tes ennuis, l’avenir de tes enfants. Je suis au fond de ton âme portant ces fardeaux afin qu’ils te soient moins lourds. Je ne suis pas dans ton téléviseur, source inépuisable de mensonges et de manipulations, d’enfantillages et de déraisons, je suis dans la fleur fanée qui, dans ton vase, arrive encore à sublimer la lumière. Je me suis glissé jusque dans ses pétales étiolés sur la nappe. Ne m’oublie pas. Je me suis glissé entre les rideaux et la fenêtre pour enchanter ce rayonnement, dévoiler quelques rayons de vérité. Je suis aussi bien à ma place dans le sommeil clairvoyant du chat assoupi plutôt que dans la sonnerie tortueuse de l’usine appelant les besogneux à remplir les caisses des ploutocrates ventrus. Mais je te l’assure, ces derniers eux aussi auront droit à puiser dans la vraie Source. Faut-il encore qu’ils oublient leur soif de richesses. Ne m’oublie pas. L’allégresse est à chaque coin de rue, à chaque opportunité du non-hasard de te surprendre, de faire de toi le temps d’un instant cueilli sur l’Arbre Eternité, un papillon de folle envie, un papillon ivre de se gaver de lumière et de nectar de vie. Ne m’oublie pas. Je ne suis pas dans les alcôves secrètes où des potentats ruisselants d’antipathie préparent génocides et conflits d’intérêts. Je suis dans les larmes de l’enfant sortant des gravats. Je suis dans le Silence qui s’installe après tout combat et le seul mot qu’il souffle du haut de son Olympe est :  Pourquoi ? Ne m’oublie pas. Je suis dans le sillage du cygne qui décrit le V de la Vérité sur le miroir encore endormi, à l’heure où les pinsons commencent leur chant, où les rubans de brume se glissent entre les arbres et la lumière de l’aube qui jaillit à sa non-allure du grand secret de la Plénitude. Je suis  dans le travail harassant mais encore plus  dans les douleurs des labeurs et des jours épuisants. Je suis dans le cri de l’enfant qui sort de la matrice et veut conquérir sa place, non à l’aide d’armes, ruses, et autres traquenards, mais avec son âme, son cœur et ce levain qui élève l’être quand il ouvre ses deux mains. Voilà l’Avenir. Voilà le Présent. Une multitude d’instants tout aussi puissants de bonheur et de joies comme des baisers d’étoiles dans le grand Firmament de la Création. Ne m’oublie pas. Je suis aussi dans l’âme torturée de chagrin d’une mère venant de perdre son fils, abattu au fond d’une atrocité guerrière. Je suis dans ce fils à nouveau debout…je suis dans ce crépuscule rougeoyant, là où le grand disque plonge dans l’Océan, laissant encore apercevoir les voiles d’un bateau partant pour des horizons nouveaux. Ne m’oublie pas. Je suis en bas quand tu descends et je t’attends en haut quand tu montes vers Moi avec dans ta volonté quelques graines de Vérité pour te nourrir, puisées avec le sourire dans cette besace invisible et pourtant ô combien réelle. Ne m’oublie pas. Mais qui suis-je ? Peut-être Amour, ou bien Vie. Joie n’est pas mal non plus. Divin est réalité. Tu peux me donner tant de noms, mais n’oublie pas : Je suis un Oui.

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