Alzhei

Alzhei…
 
 
 
En franchissant le seuil
De son passé composé
Il a caché dans ses tripes
Dans ses tripes comme un boulet
Quelques instants de bonheurs
Passés,
Cueillis à la hâte
Dans la jachère de ses souvenirs
Encadré par deux sourires.
En franchissant le seuil
De sa mémoire
Fissurée,
Il a senti
Contre sa jambe
La caresse du vieux chat
Qui flairait ce quelque chose
Qui n’allait pas.
Le vieux a senti aussi
Un regard posé sur lui
Celui d’un voisin
De l’autre côté de la rue,
De l’autre côté de la vie,
Le regard vide d’un voisin
Rempli de compassion.
Sur la fenêtre
Tremblait un géranium.
Une pluie fine et un soleil blanc
Ecrivaient la journée
Emmenant tout cela
Surtout le vieux
Tremblant un peu
Avec dans ses tripes
Ce boulet !
Ce nœud !
Emmenant tout cela
Surtout le vieux
Vers un singulier soir
Un crépusculaire espoir
Aux racines brûlées.
 
La grande maison
A la pelouse bien coupée
Etait pleine de fleurs
Et de sourires composés.
Parfois quelques cris
Quelques lamentations
Déchiraient la quiétude
Un peu artificielle
C’était de languissantes plaintes
Evacuées d’un tréfonds.
 
Dans le boulet du petit vieux
Il y avait des aurores humides
A l’orange d’une journée à venir
Envoilant la prairie
Et les fleurs humides de rosée.
 
Dans le boulet du petit vieux
Il y avait des étables remplies
De plaintes bovines
Réclamant la grande terre
Et ses vertus divines.
 
Dans le boulet du petit vieux
Il y avait une petite vieille
Tombée il y a une éternité
Dans le fond du poulailler
Les grains éparpillés.
 
Dans le boulet du petit vieux
Il y avait le cadre au vieux bois
Du fiston parti ma fois
S’enfouir dans les tranchées
De la déraison.
 
Et là, dans la grande maison,
A la pelouse bien coupée,
Le petit vieux est assis
Sur une chaise dans le couloir
Ses mains tripotant sa crainte
Et ses lambeaux de mémoire
Impossible de les calmer
Et même de retenir
Les quelques larmes
Coulant sur son gilet.
 
Michel Labeaume
 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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