Chambre 214

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17 octobre 2015, polyclinique du Maine, Laval, chirurgie digestive.

 

            Mesdames et messieurs les politiciens.

 

 

            Le moins que je puisse dire, c’est que vous m’inspirez et tout autant les médias qui, à l’affût du moindre écart de votre part, se précipitent vers leur clavier.

 

Avec, en ce jour du 17 octobre 2015, ma stomie et ma sonde vésicale qui, depuis une éternité de quelques jours entravent mes mouvements, je me sens relativement bien. Très bien même. Car, ainsi accoutré, me voilà libéré des contraintes monarchiques élisabéthaines quotidiennes, à savoir, poser mon cul sur le trône. Je me sens vraiment responsable de mes excréments et autres déchets. Je ne vous ressemble en aucune façon, vous qui déversez continuellement sur le peuple le résultat stercoral de vos agapes intellectuelles.

 

 

 

 

                                               Conférence sociale

 

 

Dans le gros navion présidentiel

« Air Flanby One »

Le salon sobrement décoré

Est murmuré

De journalistes sélectionnés.

Le président préside,

Le regard haut,

La bouche finement scellée,

Le sérieux du sérieux

Dans les Hautes sphères de l’Elysée.

Monsieur le président !

Cette conférence sociale

Fait suite aux récents évènements

A Air France.

Comprenez,

Attaque Flanby,

On peut éviter les licenciements !

Je demande aux patrons

D’être  responsables !

 

 

En bas,

Tout en bas,

Dans la dure réalité,

Martine n’essuie même plus ses larmes.

Son corps est secoué

Son corps d’ouvrière licenciée,

Secoué de spasmes

Et de colère rentrée.

 

 

Et ici,

Et là-bas

Dans les lumineux bureaux

Des grands patrons,

On a le regard droit,

La bouche finement fermée

Par un sourire narquois.

Le sérieux du sérieux

Dans les Hautes sphères

Du grisbi,

Du profit,

Et du blé.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans « Air Flanby One »,

Là-haut,

Tout là-haut,

On repose sa tasse de café.

La pose a été courte.

Et l’on reprend :

J’ai demandé

Avance avec douceur

Et fermeté

Flanby,

J’ai demandé,

J’ai demandé,

J’ai demandé,

J’ai demandé…

La main droite s’ouvre

Comme un dossier

L’index à peine levé.

Et soudain,

La tribu des patentés

Hésite, tâtonne,

Elle a envie

De tester tonton

Avec quelques tocades

Tendancieuses,

Et sans tabou,

Mais on se ravise,

Les questions vicieuses

A cette altitude

Ca n’est pas sérieux.

 

En bas,

Tout en bas

Dans la fange de la réalité

On assiste aux ruées quotidiennes

Vers la récolte des fruits

De la richesse,

Du profit,

Du posséder,

Du pouvoir et

Du dominer.

Ruées qui précipitent

Les idiots aux serres puissantes

Vers un temps perdu

Et la mort innocente

Qui, au bout du compte,

Se fend la poire.

 

Sale harde de fruits…

Pas joli, pas joli

 

Ouvrons la parenthèse :

 

Des stars botoxées

Freinent leur poussée

Vers l’inéluctable

Avec des lèvres

De gourami

Et des mamelles d’étables.

 

On se précipite vers quoi ?

En oubliant le Présent

Et Lui, reste comme un con

Avec ses cadeaux non donnés.

 

 

On se dit :

Vivement la retraite

Et quand elle est tombée

Dans les porte-monnaie,

On se gratte la tête

En se tournant vers le passé.

 

Fermons la parenthèse.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans les Hautes sphères

Etre à un tel niveau

De mépris

Ne mérite qu’une chose :

Le prix Nobel de l’apnée.

 

Plongée dans les sondages,

Dans les grands fonds

Et les abysses

S’enfoncent les dominants.

 

La politique

Est une épave

Qui pourrit l’océan.

 

 

Poseidon est en colère,

Il affûte son trident.

 

Gaïa est amère,

Tsunami devant.

 

 

Peut-être faudrait-il

Deux Mondes distincts :

Celui d’en-haut

Celui des dirigeants

Et dans les vallées profondes,

Celui des soumis, des enchaînés,

Pourvoyeurs d’argent.

Et avec, de temps en temps,

Une petite guerre,

Histoire de tester

Le bel armement,

Les écoles de guerres

Et leurs généraux arrogants.

Les états-majors seront aux dominants.

Et les soumis sous la terre,

Ecrasés sous les pierres

Feront de beaux cimetières

Avec de beaux monuments.

 

 

 

 

 

 

Julien a rejoint Martine

Dans le torrent de la misère

Et du « rien devant ».

Radeaux de naufragés.

Ont suivi Paul,

Adeline,

Youssef et aussi Roland

Et avec eux des milliers de perdus

Des millions de gens.

 

Exode,

Déracinement.

 

Là-haut dans le Grand Monde

On sabre le champagne :

Les Bourses ont percé les plafonds !

Ejaculé le pognon !

 

Là-bas, tout en bas,

Tout en bas,

On sabre le désert,

En déversant le sang.

 

 

 

Dans la rue,

Le blanc n’aime pas le noir,

Le marron non plus.

Le gris se fait petit

Le peau-rouge

Est enterré sous son tipi

Le jaune est enchevêtré

Dans les rouages bien  huilés

De l’économie,

Produit, produit,

Produit.

 

Le grand peintre de la Vie

Est alité.

Allongé dans son lit.

Il s’est emmêlé les pinceaux.

Et a chuté.

Reposez-vous bien !

Lui dit le médecin.

Vous avez besoin

De reprendre des couleurs !

 

 

 

 

 

 

 

 

Nationalismes exacerbés,

Miradors et barbelés

Murs, murs

Face aux cris des réfugiés

Tortures et opprimés !

Où est l’humain ?

Enfermé dans un placard,

Lui-même dans une armoire

En attendant d’utopiques

Lendemains.

La clé est détenue

Par des Cerbère

Musclés et rasés

Tatoués, habillés de noir,

Certains bien marinés…,

Le visage fermé, buriné,

Grassement payés,

Ils font de la muscu

Dans des salles privées ;

Et roulent en Golf turbo

Suralimentées.

 

 

« AIR Flanby One »

Toujours en altitude,

Ronronne comme un gros chat

En pilote automatique

Le gros navion.

 

 

Oui, oui

Comme un cri,

Les pauvres

Sont des échecs sans provision

Avec les riches

Sur leurs talons

Et les cheikhs

A l’horizon.

 

Débits débiles.

Qu’importe !

Les comptables font leur boulot

Et le soir à 17 heures

Ils claquent leurs dossiers

Mettent leur chapeau

Et en sortant

Passent, en grimaçant,

Au-dessus du miséreux

Qui boit un coup de blanc.

 

 

Mon père, de son vivant,

Disait :

C’est comme ça,

C’est pas autrement.

Eh bien non Papa !

J’ai décidé mon chemin

En pensant autrement.

 

 

 

 

« Air Flanby One »

Tourne autour de Roissy.
Ce soir à l’Elysée

Champagne et canapés

Avec un petit orchestre

Et des dizaines de serviles

Avec un balai dans le cul

Toisant l’assemblée

Pendant que les rombières

A la façade ravalée

A grands coups de truelle

Minauderont

Leur jeunesse enfouie.

 

 

Mais ici,

Ici au bord de mon âme

Dans mon lit  d’hôpital

La colère et les larmes

Me font mal, mal.

Colère de devoir appeler

Ces gens les élites.

Pauvres gens !

Finalement,

Si l’on sait la Vie

On sait qu’ils perdent leur temps

Farcis d’illusions.

Mais c’est grave

Et ça ne devient plus tolérable

Quand ils envoient

Au casse-pipe

Ceux-là mêmes

Qu’ils ponctionnent.

Plus rien ne fonctionne

Et des médias

Les mains posées

Sur leur ventre bien arrondi,

Rotant leur suffisance

Et leur mépris

Sinuent tels des serpents

Dans la nourriture

Insipide

Des dissentiments.

 

Mais ici,

Ici au bord de mon âme,

A la surface de mes rêves

J’entre dans un Eden

Sacrifié

Où ronces et orties,

Chardons et liserons

Ont tout envahi.

 

 

 

La Rose  est enfouie.

 

 

 

Adossés au mur

De la honte

Et des lamentations

Le squelette d’Adam

Et celui d’Eve

Les orbites vides

Abaissées

Sur une Terre dévastée.

 

 

Les religions

Et leurs pouvoirs temporels

Ont ensaigné

Sur le grand Autel

Le prix de la soumission.

 

 

Les dictateurs

Sont des totems

Abattus par des anathèmes

Eux-mêmes dictés

Par des politiciens corrompus

A leurs milices éparpillées.

 

 

La Vérité

Est une petite vieille

Courbée, tirant son caddie,

Le regard baissé,

A petits pas soignés

Vers le  marché du samedi.

 

Les non-dits s’accumulent.

Polichinelle est en haillons

Vautré sous un perron

Quémandant une pièce.

 

 

 

La Poésie, l’Amour,

L’Humanité,

Trois pétales

D’une fleur fanée

Arrosée avec condescendance

Par des satrapes ventrus.

 

 

Je ne sais pourtant

Si l’Aube nouvelle

Aura séjourné trop longtemps

Dans la grande escarcelle

De l’éternité du Vent.

 

 

 

Le bélier veut passer la clôture,

Il se blesse le front.

 

 

 

Des millions de mal-nourris

Restent au rang

Des fatalités

Pendant que l’argent et les pouvoirs

Font éructer les dominants.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les grands penseurs

De notre Temps

Déroulent leurs hiéroglyphes

Dans le grand musée du Vent

Ils sont en bonne place.

 

 

La Vérité

Est une salle d’attente

Remplie d’êtres fragiles

Ayant dans le regard

L’espoir d’être guéris.

 

 

Allons Enfants de l’apathie

Il faut vous réveiller.
Abreuvez vos chants

De Foi renouvelée.

Les sillons sont à nourrir

De bons grains pour l’épi.

 

 

Merci belle Colombe

Je sais où est ton Nid.

La Source de ton Vol,

Si loin dans l’Un-fini

Sans dièse et sans bémol

Est le chant de mon Oui.

 

 

Michel Labeaume

20 octobre 2015

Polyclinique du Maine.

Ch. 214

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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Commentaires

  • Chantal

    1 Chantal Le 28/11/2016

    Bonsoir
    Je sens beaucoup d'amertume dans tes textes, l'être humain à choisi son expérience de vie sur la terre, donc si elle est difficile pour la personne c'est qu'elle est venue nettoyer des mémoires mais une fois sur la terre on ne s'en rappelle pas que c'est nous qui avons choisi le milieu dans lequel on évolue, mais en sachant cela , cela permet aussi de ne pas s'apitoyer sur chaque individu non pas qu'il faille être indifférent mais ne pas tomber dans le piège qui nous entraîne dans les bas fonds de l'obscurité, et qui nous éloigne de la lumière.
    Chaque être qui recherche la lumière dans son coeur, même s'il vie avec de petits moyens peu se sentir beaucoup plus heureux, que tous ces hommes politiques qui sont piégés par leur égo dans la matière et donc complétement déconnectés de la simplicité de la vie, en tout cas je préfère être à ma place qu'à la leur car même pauvre financièrement on est de loin riche tellement remplie de lumière, et d'amour intérieur que l'on a nul besoin de vivre dans un château.
    Merci à toi Michel rempli ton coeur de lumière merveilleuse
    Chantal

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